Hypnose
Un phénomène naturel
Combien de fois vous est-il arrivé en roulant de vous rendre compte que depuis quelques kilomètres vous conduisiez de façon machinale ? Au volant, vous n'avez pas commis d'erreur et pourtant votre attention était ailleurs. En langage courant, vous étiez dans la lune. En réalité, vous avez vécu ce qu'on appelle une transe hypnotique.
L'hypnose est un phénomène parfaitement naturel que chacun expérimente plusieurs fois par jour. Pour cela il suffit par exemple d'être pris dans une activité mécanique et répétitive et de laisser son esprit vagabonder. En clair, en cessant de nous concentrer sur tout ce qui nous entoure et en nous focalisant sur un point ou une sensation précise, nous glissons progressivement vers nos perceptions intérieures. La réalité extérieure ne disparaît pas complètement, en voiture nous sommes par exemple capables de freiner lorsque la voiture devant nous ralentit, mais l'essentiel de notre attention est centré ailleurs.
Histoire de l'hypnose Un monde de perception
Les hypnothérapeutes définissent la transe comme un état de conscience modifiée. Dans cet état, une attention particulière se porte sur les perceptions que nous éprouvons. Des sensations comme la vitesse, l'équilibre, la peur ou le toucher deviennent des objets presque concrets. Des objets sur lesquels nous avons prise et que nous pouvons modifier.
Et si l'on peut modifier ses propres perceptions, on peut aussi les changer.
La première application de l'hypnose a probablement concerné le traitement de la douleur. Alors que les médecins ne disposaient encore d'aucun antalgiques, diverses pratiques, que l'on définirait aujourd'hui comme de l'hypnose, avaient court, en particulier parmi les chirurgiens. C'est d'ailleurs un chirurgien anglais, James Braid qui, en 1843, inventa le nom d'hypnose (Hypnos : dieu du sommeil, dans la mythologie grecque).
L'autre domaine d'application concernait la psychiatrie naissante.
La science n'avait pas encore établi de typologie des maladies mentales et nombreux étaient ceux qui pensaient que toutes les maladies n'étaient le reflet que d'un même mal-être. A la fin du 19ème, alors que l'on commençait à explorer ce nouveau territoire médical, la mode était aux démonstrations spectaculaires devant de grands auditoires. C'est ce que faisait notamment Albert Charcot à la Salpêtrière, l'un des plus grands hôpitaux psychiatriques de l'époque. Régulièrement, Charcot s'y livrait à des démonstrations publiques sur des patientes diagnostiquées comme hystériques. A tort, il en déduisit que l'hypnose était le symptôme de cette maladie.
A la même époque, une autre école de pensée s'opposait aux théories de Charcot. Menée par Hyppolite Bernheim, l'école de Nancy considérait que la transe était un état naturel, accessible à chacun et dans lequel la souffrance du patient pouvait être soulagée par les injonctions du thérapeute. Cette approche est à l'origine de l'hypno thérapie actuelle.
Parmi les élèves de Charcot et de Bernheim se trouvait un certain Sigmund Freud. Au début de sa carrière, Freud s'essayera donc à l'hypnose mais, constatant que les symptômes guéris par ce moyen réapparaissent sous d'autres formes, il abandonna la technique. Les conflits entre les psychanalystes et l'hypnose n'ont jamais cessé depuis.
Mais malgré son emploi fréquent, l'hypnose échappait à toute tentative d'explication scientifique et peinait à se défaire d'une aura de mystère. Si bien qu'au tournant du siècle, l'arrivée des premiers anesthésiques et le développement de la psychanalyse la firent rapidement disparaître des cabinets médicaux.
Champs d'application
Disparue du champ médical, l'hypnose continua de faire l'objet d'expérimentation en laboratoire, notamment en Russie, sous l'égide de Pavlov. Mais elle ne réapparu dans les pratiques de soin qu'à partir des années 50, aux États-Unis.
En psychiatrie, la technique a été redécouverte par Milton Erickson, dans le sillage des travaux de l'école de Palo Alto. Celui-ci développa une approche centrée sur la communication entre le thérapeute et le patient en état d'hypnose. Il est considéré comme le père fondateur de la pratique moderne.
D'autre part, avec les premiers conflits de la guerre froide, les Américains furent confrontés au retour des blessés de Corée, puis du Vietnam. En réponse à la complexité de leurs souffrances, naquirent les premières cliniques de la douleur. Et dans ce domaine, l'hypnose fit rapidement preuve de son utilité.
La transe en imagerie Pour le spectateur, assister à une séance d'hypnose est d'un ennui mortel. Alors que le thérapeute égrène d'une voix lente et monotone des injonctions aussi palpitantes que « votre bras est lourd, lourd », le patient quant à lui semble plongé dans une profonde léthargie.
Pourtant, depuis peu, les progrès de l'imagerie médicale permettent de confirmer ce que les patients affirmaient depuis longtemps : durant une séance d'hypnose, le cerveau est en pleine activité.
Grâce aux données fournies par l'IRM fonctionnel, plusieurs équipes de chercheurs, dont celle de Patrick Vuilleumier à Genève, commencent à dévoiler peu à peu certaines parties du mystère.
L'expérience consiste à induire chez des volontaires sous hypnose, la paralysie d'un bras. Ensuite, on leur demande de cliquer avec la main droite, chaque fois qu'une main droite apparaît en vert sur un écran placé devant eux. L'exercice est le même pour l'autre main, mais sans surprise, en hypnose, cette main ne réagit pas. Plus tard, la même tâche est demandée au sujet mais, cette fois, il n'est pas sous hypnose. Ne reste plus qu'à comparer quelles zones du cerveau étaient activées dans chacune des situations.
Les premiers résultats confirment bel et bien la réalité de l'hypnose : chez les sujets en état d'hypnose des zones spécifiques sont activées. Une activité que l'on ne retrouve pas chez les sujets en état de veille. La transe correspondrait à un état cérébral différent de la veille ou du sommeil.
Par ailleurs, l'intensité de l'activité cérébrale mesurée chez les patients indiquerait un état d'hyper contrôle. Cela confirmerait le fait que sous hypnose, le cerveau ne perdrait pas le contrôle du corps, bien au contraire. Sous hypnose, le cerveau serait donc capable de rendre bien réelles, des perceptions crées par son imagination.
A priori, il est difficile d'hypnotiser quelqu'un contre son gré. En revanche, en acceptant la transe, le patient devient réceptif aux suggestions de la personne qui l'accompagne. Comme si durant l'hypnose, la parole du thérapeute avait un effet direct sur ce que le corps ressent.
Ainsi, le thérapeute peut induire le dégoût de la cigarette chez un fumeur, traiter une angoisse ou encore, atténuer une douleur.
Au centre hospitalier universitaire de Liège par exemple, l'hypnose est employée depuis une dizaine d'années lors d'interventions chirurgicales. Le patient ne bénéficie que d'une légère anesthésie locale et demeure parfaitement conscient durant toute la durée de l'opération. L'anesthésiste délaisse ses drogues habituelles pour induire, par la parole, des messages apaisants.
Un autre domaine d'application concerne les phobies. Sous hypnose, il devient possible de «simuler» la situation génératrice d'angoisse et d'apprendre à l'apprivoiser.
Bref, le champ d'application paraît immense, et le succès croissant de l'hypnose révèle peu à peu les ressources étonnantes dont chacun d'entre nous dispose pour accéder à la guérison, comme le résume le Dr Bonvin :
«Ce qui m'a bien d'avantage surpris que l'efficacité de l'hypnose, c'était de pouvoir découvrir par l'hypnose l'efficacité et les possibilités des ressources que chacun de nous a. Au fond ce n'était pas tant la technique de l'hypnose, l'hypnose m'a permis d'accéder, dans le fond, dans la relation, aux ressources du patient, pas dans le sens que c'est moi qui les trouvais, mais je pouvais accompagner beaucoup mieux le patient dans ces ressources-là, et c'était plus ça l'enchantement, pas tant l'hypnose, mais de savoir ce que nous pouvons tous faire, dans des situations qui nous paraissent impossible.»